Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le cosmos musicien- essai
22 février 2013

Extrait chapitre 6 promenade

Dans les sociétés collectivistes, faites-les adhérer au parti prépondérant, dans les sociétés tyranniques anoblissez quelques gueux, dans les sociétés marchandes abonnez-les. Dans tous les cas, faites-leur croire qu’ils pourraient vivre comme la classe dominante.

 

     Après s’être restaurée, Byna avait satisfait à tous ses besoins naturels, petites caresses intimes comprises. Elle s’était lavée puis endormie sur son lieu de travail. Une brise câline lui avait frôlé le visage et l’avait réveillée doucement, sans empressement, lui permettant de passer du plus profond sommeil à l’état de conscience accompli. À peine réveillée, Byna s’était levée, puis regardant autour d’elle s’aperçut qu’elle s’était endormie dans la vallée qu’elle parcourait depuis si longtemps nommée communément la vallée de Riftsi. Bien que nue, elle n’éprouvait aucune gêne et trouvait même naturel cet état et dans ces lieux, qu’elle connaissait comme personne. Son frère Enan l’avait accompagnée, mais après quelques jeux enfantins dans un ruisseau, ils s’étaient endormis. Toutes les deux métissées, la peau de Byna était plus claire que celle de son frère délicatement ambré. Byna avait arpenté la vallée dans toutes les directions, connaissait chaque végétal, chaque habitant et savait par intuition que cet endroit recelait plus que l’ordinaire ne pouvait voir. Bien sûr depuis toujours d’autres archéologues avaient fouillé et retourné la contrée. Mais à part, quelques fragments et quelques vestiges, ils n’avaient trouvé que du matériel archéologique très banal. Des poteries, des ossements, des vestiges de civilisations passées, tous s’accordaient à penser que la Riftsi était un lieu propice à la vie et que des générations d’individus avaient vécu sur ces terres. Comme tous les lieux, certains peuvent devenir légendaires si l’on y attache une croyance. Beaucoup d’originaux lettrés avaient, comme il se doit, envisagé des hypothèses brillantes sur la possibilité de retrouver l’objet légendaire que tous attendent pour prouver leur foi en un mythe. Les ministres de la Foi aussi, le chandelier prouvant la fuite du « peuple élu », l’étoffe révélant la réincarnation du « Messie » ou l’arbre sous lequel méditait l’« Eveillé ». Mais après l’échec de leurs recherches, les serviteurs de fois différentes se gaussaient de l’erreur dans laquelle les autres missionnaires emmenaient leurs disciples. Les apôtres politiques, adeptes du retour en arrière, eux, cherchaient l’épée du glorieux roi, le bouclier du peuple sous le joug, l’arc, la lance ou l’écrit prouvant que dans le passé les temps étaient idylliques. Ils aimaient à affirmer que les normes barbares actuelles devaient retourner au chaos. Asseyant ainsi le fondement d’une révolte à venir en laissant le présent asservir les populations tournées vers le rêve d’un monde meilleur.

Tous, comme partout, cherchaient la preuve, celle qui démontre que l’on est dans le vrai. Le temps de la recherche permet d’asservir un peu plus longtemps ceux que l’on domine. « Nous cherchons pour vous », disaient-ils tous : si nous trouvons, la preuve sera enfin faite, que vous devez nous suivre aveuglément. Si nous ne trouvons pas, donnez-nous la preuve que l’objet de toutes nos dévotions n’existe pas. En attendant de trouver la preuve matérielle des croyances, un symbole suffit. Des croix, des étoiles, des croissants, des cercles, de toutes sortes. Toutes les figures seules ou entrelacées qui permettent de symboliser une croyance en une religion ou une philosophie meilleure que celle du voisin que l’on peut sans vergogne tuer ou asservir puisqu’il ne sait pas, lui. Des érudits de toutes sortes avaient donc comme partout exploré en long et en large la vallée sans trouver plus que ce que tout être peut en voir.

Jamais personne n’avait su découvrir le secret de Leboa. Si, il y avait bien eu cet homme, mais c’était il y a si longtemps, avait-il reporté le lieu de sa découverte ? Byna marchait droit devant elle sans but. Elle connaissait l’endroit et se laissait guider par ses sens, les odeurs, les couleurs, les formes, la douceur du sol sous ses pieds l’emmenaient vers une futaie qu’elle avait déjà dû parcourir. Mais aujourd’hui, elle ne cherchait rien, elle était là.

     La géologue l’avait emporté sur l’archéologue qu’elle était et depuis des années Byna ne cherchait plus les traces de civilisations disparues, mais les indices d’un passé beaucoup plus ancien. Des signes que la vallée de Riftsi avait pu contribuer à un changement profond sur les premières espèces indigènes. Certes, d’autres, avant elle, avaient réfléchi sur le développement de la vallée et son possible rôle dans l’évolution. Mais ils s’étaient toujours arrêtés à son rôle géophysique sur les comportements. Une rupture dans l’habitat et ses occupants peuvent changer de vie ! Pourquoi les végétaux, les invertébrés et les autres bestioles ne se sont-ils pas tous relevés et mis à cogiter ? Avons-nous déjà vu des oiseaux tirer à l’arc et des arbres sauter à la corde ou des serpents tricoter un gilet pour leurs petits ? Les éminents scientifiques s’en tiennent aux faits et aux conséquences de ces faits. Ils ne mettent de rêve ou de poésie que quand ils énoncent, pour mieux les vendre, leurs découvertes en promettant un monde meilleur aux démunis et des profits à venir aux nantis. Un de ceux-ci en découvrant un explosif a permis la mort à grande échelle. Le dernier prix remis en son nom permettra-t-il la fin de la vie, primée par des scientifiques déguisés en philosophes ? Par manque d’imagination et de poésie, ils laissent la porte grande ouverte aux prophètes de tous genres, laissant ces derniers expliquer aux masses ce qu’ils ne savent pas plus qu’elles. Un bruit inexpliqué et l’on met cela sur le dos d’un fantôme. Un interdit incompréhensible et l’on rapporte la voix d’un dieu. Un accident ou une catastrophe et la main, de ce même dieu a frappé le misérable qui ne suivait pas ses préceptes. Les scientifiques et les religieux se passent régulièrement la main quand ils ne peuvent pas expliquer à leurs ouailles ce que leurs connaissances limitent. Quand ils s’associent, ce n’est pas mieux ! Les scientifiques ritualisent leurs découvertes en les faisant passer pour des modèles universels et les religieux s’appuient sur les conjectures des premiers pour étayer leurs croyances. 

Pour expliquer qu’on n’ait jamais vu une huître jouer aux échecs. Un religieux augurerait que son dieu, ne lui en a pas laissé le loisir. Un scientifique développerait que l’évolution de ce mollusque ne lui a pas permis d’avoir de bras. Un politique proclamerait que les songes de ce brave invertébré besogneux ne sont pas tournés vers un monde meilleur. Un militaire, lui, invectiverait, que la coquille pensante se fout complètement de ce jeu pour débiles introvertis. Mais, peut-être que la vision limitée de pions sur un univers restreint déplaît à notre bestiole et que tout compte fait, elle a mieux à faire ?

 Loin de toutes ces diarrhées mentales, Byna, elle, ne pensait pas, elle avançait sereinement, sans but, juste pour le plaisir de ressentir pleinement le moment présent. Jamais elle n’avait ressenti une telle sensation de plénitude de bonheur. Ses yeux buvaient les formes et les couleurs autour d’elle. Sa bouche, son nez se délectaient de l’air ambiant. Ses oreilles se faisaient le réceptacle d’une musique spontanée faite de bruits, de silences, de frémissements environnants. Son corps, entièrement nu, faisait partie du tout et c’est naturellement que sa main se tendit vers une tombée de végétaux pour l’écarter et que ses pas la guidaient vers une caverne cachée aux yeux du monde. Au moment où elle écartait le feuillage, elle se prit à prononcer un nom qu’elle n’avait jamais entendu avec une joie jusqu’à l’heure inconnue. « Leboa » s’entendit chuchoter Byna à l’instant même ou la grotte frémit et lui exprimait son désir de pénétrer en elle plus profondément.      

Publicité
Publicité
Commentaires
Le cosmos musicien- essai
Publicité
Archives
Publicité